Nous étions peu nombreux à assister à cette conférence très intéressante où le conférencier, Monsieur Martial Mignet, nous parla de sa passion qui lui a fait acquérir il y a une petite dizaine d’années une propriété viticole de cinq hectares le château l’Argilus du Roi. Ce domaine situé sur le noble terroir de Saint- Estèphe, planté sur les plateaux de graves argilo-calcaire, donne un grand vin, constitué d’un assemblage des cépages bordelais, (55% de Merlot, 40 % de Cabernet Sauvignon et 5 % de Petits Verdots). Issu d’une agriculture raisonnée et traditionnelle, le vin est vinifié et élevé 12 mois dans un chai de barriques de chêne français renouvelé tous les 3 ans, comme ses beaux voisins que sont Château de Pez, Tronquoy-Lalande et Cos d’Estournel.
Le vignoble bordelais
Il faut savoir que le vignoble de Bordeaux c’est 115.000 hectares de vignes, 9.000 châteaux et marques, 63 appellations et 2 milliards d’euros à l’exportation.
Sur cette carte positionnant les pays viticoles des vins de Bordeaux le petit terroir de 16.200 hectares au nordouest de Bordeaux en dessous de la Gironde est le vignoble du Médoc qui, a lui seul, exporte près d’un milliard d’euros chaque année. Il possède 1.500 châteaux et marques et 8 appellations prestigieuses qui sont du nord au sud : Médoc, Saint-Estèphe, Pauillac, Saint-Julien, Listrac-Médoc, Margaux, Moulis, et HautMédoc.
Ces terres marécageuses sous l’antiquité furent asséchées au moyen-âge par les Hollandais qui y plantèrent de la vigne.
Du 16ème au 19ème siècle, les cépages nobles apparurent et les techniques de culture et de vinification furent améliorées. C’est aussi à cette période que furent créés les premiers Châteaux.
Le classement
En 1855 la chambre de commerce de Bordeaux décida après une enquête approfondie, de classer officiellement les vins de Bordeaux en sélectionnant pour les rouges 1 cru des graves et 59 crus du Médoc répartis en 5 catégories du premier au cinquième cru. Pour les vins blancs (liquoreux), 26 crus de Sauternes et de Barsac furent répartis en 3 catégories (Premier Cru supérieur, premier cru et second cru). Pour la petite histoire ce classement immuable a été révisé une fois en 1959 sous Pompidou ancien de chez Rothschild pour promouvoir en premier cru le château Mouton-Rothschild.
En 1932 un classement pour 208 vins du Médoc apparut selon trois catégories : les Crus Exceptionnels, les Crus grands Bourgeois et les Crus Bourgeois qui ne sera jamais publié et qui va contre la réglementation européenne qui n’admet que la seule mention facultative de « Cru Bourgeois ».
En 1954 l’I.N.A.O. organisa un classement des vins de Saint-Emilion révisable tous les 10 ans. Il y a ainsi aujourd’hui 11 crus classés Premiers grands Crus et 63 crus classés Grands crus. On peut se poser la question de l’intérêt de ces classements qui sont souvent bousculés lors des dégustations à l’aveugle. Certains propriétaires refusent d’être classés et, par exemple, le Château Pétrus, qui est une, des plus grandes, référence mondiale, est un pomerol non classé.
Mais soyons réalistes, les 87 grands crus classés, par leur histoire, par le prix de leur terre, par leur recherche permanente d’amélioration de la qualité, par le prix moyen de leur bouteille forment un club très fermé qui fait un peu la loi dans le Bordelais et qui le tire vers le haut.
Les autres viticulteurs se divisent en deux catégories :
- Ceux qui sur des terrains de moindre qualité et peu chers font du quantitatif et arrivent à vendre leur production à moins de 5 euros la bouteille
- Ceux qui, bénéficiant de terrain de qualité situé sur des terroirs renommés, se sont mis à imiter les grands crus classés en, par exemple, vendangeant à la main, utilisant l’assistance d’un œnologue, etc.
Il y a peu de ces châteaux « à vendre » et le prix de ces exploitations a été ces dernières années en très forte progression. Ils vendent alors leur bouteille entre 10 et 30 euros.
Importance du sol
Pour le Médoc et le Saint-Estèphe en particulier l’important et de produire sur un terrain de qualité pour la vigne. Cette qualité dépend de la composition du sol en « grave argilo calcaire ». En effet :
- Les nappes profondes argileuses favorisent une bonne résistance des vignes au stress hydriques dans les années de forte sécheresse. Il faut savoir d’ailleurs que la France est le seul pays au monde qui interdit à ses vignerons d’arroser leur vigne ! - Au-dessus le calcaire marin apporte les oligoéléments nécessaires à la croissance de la vigne
- Enfin en surface les sables et petits graviers assurent un drainage efficace et une fonction de radiateur qui conserve les températures du jour jusqu'à une heure avancée de la nuit.
On peut ainsi trouver des terrains de très grande qualité qui jouxtent des parcelles où la vigne dépérira. L’analyse des sols permet de cerner ces problèmes mais rien ne vaut mieux que l’expérience des vignerons. Ainsi le prix du terrain sur une même appellation peut varier de 1 à 5.
L’assemblage
Le vin de Saint-Estèphe est le fruit d’un assemblage précis. Le cépage majoritaire est le cabernet sauvignon. Il apporte au vin une grande complexité, de la finesse, un intense bouquet et une structure tanique qui permet au vin de vieillir longtemps. Le merlot plus adapté à des sols argilo-graveleux donne au vin tanicité mais aussi rondeur, fruit et moelleux. Le cabernet franc représente 7% de l’appellation. Enfin le petit verdot confère au vin une belle couleur.
La commercialisation
La commercialisation se fait par de nombreux intermédiaires que sont les courtiers, les négociants, les cavistes et la grande distribution. Chaque intermédiaire prenant sa marge, le prix rendu chez le consommateur peut être supérieur au double de celui payé au producteur. C’est pourquoi, de nombreux petits châteaux se lancent dans la vente directe au consommateur en espérant que sa fidélisation amortira leur investissement commercial.
Le marché
Le marché du vin est en forte croissance. De manière générale, les classes moyennes et supérieures consomment du vin et les fortunés aiment montrer leur richesse en possédant une cave de grands crus. Le fort développement en Chine d’une classe moyenne, ces dernières années, a fait exploser sa consommation de vin. Les investisseurs chinois ont commencé par acheter quelques petits châteaux pour assurer la transition et leur formation puis ils ont planté d’immenses domaines viticoles dans le Xinjiang où la population d’Ouïgours, musulmane, cultive la vigne sans boire de vin. La Chine est aujourd’hui le deuxième producteur de raisin derrière l’Espagne et devant la France. C’est aussi le cinquième producteur de vin, élaboré pour sa propre consommation.
Dans le monde occidental le fossé qui se creuse, entre les riches et les pauvres, fait que l’augmentation du nombre de grandes fortunes favorise le marché des vins de qualité dont le Bordeaux. 5 pays consomment à eux seuls la moitié du vin du monde : les USA avec 13%, la France avec 12%, l’Italie 9%, l’Allemagne 8% et la Chine 7%. La consommation mondiale de vin continue de croître. Elle a augmenté de 2,7% entre 2009 et 2013 pour s’établir à plus de 31,7 milliards de bouteilles. L’étude de conjoncture VINEXPO, seule analyse mondiale anticipant l’évolution de la consommation à cinq ans, prévoit qu’entre 2014 et 2018 la consommation mondiale devrait avoir une croissance de l’ordre 3,7%. Le Bordeaux, avec ses grands crus, a donc un bel avenir devant lui !
Pour fêter cette heureuse nouvelle, nous avons ouvert pour l’apéritif une bouteille de Château l’Argilus du Roi et chaque auditeur est reparti avec une bouteille apportée par notre conférencier.
Philippe Giraud